Il serait bien illusoire d’essayer de décrire la sculpture par les seuls procédés et matériaux employés par les sculpteurs. Il serait tout aussi vain d’étudier cet art par le seul biais des différents concepts accumulés et édifiés en théories.
Comme bon nombre d’activités humaines, la sculpture est diversifiée et complexe ; seule une approche systémique permettrait d’appréhender sa véritable nature. Il faudrait pour cela tenir compte simultanément de données aussi différentes que : les procédés de traitement de la matière, traditionnels ou autres ; l’histoire de la sculpture, les contextes sociaux dans lesquels la sculpture a évolué à travers le monde, les relations reliant la sculpture à d’autres activités humaines telles que les arts, la philosophie, les sciences, la politique, les religions et l'économie, pour n’en nommer que quelques-unes.
L’objectif de Fondements de la sculpture est évidemment plus modeste. Il s’attache de façon volontairement limitative à l’étude d’un certain nombre de faits ou de données fondamentales de la pratique sculpturale. Ces données fondamentales sont nommément : les modes d’appréhension et de transformation de la matière (le modelage, la taille directe et l’assemblage), les qualités formelles de la matière (reliées à ces trois modes), les rapports internes et externes des objets, et l’occupation structurée de l’espace.
Le présent manuel porte sur les matériaux les plus courants de la sculpture et leur traitement. Deux modes de traitement sont abordés ici, modelage et taille directe.
L’étude se fera à l’aide d’artefacts et d’œuvres d’art choisis dans un corpus qui s’étend de la préhistoire jusqu’à nos jours, bien que la très grande majorité des œuvres ont été choisies dans les priodes de la Renaissance italienne et des XIXe et XXe siècles.
Cependant, la référence aux œuvres choisies sera celle d’un artiste s’interrogeant sur sa propre activité, dans une approche factuelle et conceptuelle, en essayant de dégager ce qu’il considère fondamental dans l’acte créateur.
C’est donc le point de vue de l’artiste qui sera privilégié.
Le plus souvent d’ailleurs, les œuvres ont été choisies dans le but d’illustrer l’emploi de tel matériau, ou de telle technique, ou parce qu’elles représentent bien tel concept, aspect, thème ou démarche créatrice. Ce choix étant d’ailleurs soumis aux impératifs pédagogiques.
J’ai respecté les filiations historiques entre les artistes quand elles étaient évidentes ou attestées par les artistes eux-mêmes. Par ailleurs, on ne retrouvera guère d’exposés sur les grands courants de la pensée artistique, sur leur interrelation et sur leur importance dans le développement de la sculpture.
Il s’agit plutôt ici de faire comprendre comment une sculpture est faite, en expliquant précisément les étapes impliquées dans sa fabrication. On verra ensuite que l’utilisation de tel matériau ou de telle approche technique agit sur ce que l’artiste a à dire, et que ce processus est réciproque.
À titre de mise en garde, j’ajouterai cependant que ce manuel enseignera comment les sculptures sont faites et non comment les faire : rien ne peut remplacer à cet égard la pratique en atelier.
Pour ces différentes démonstrations, j’ai choisi des œuvres que je connais pour les avoir vues de mes yeux. On ne retrouvera que quelques exemples de sculpture grecque ou égyptienne que je connais moins ; par contre, on devinera mon intérêt pour la sculpture italienne ou pour certains sculpteurs en particulier.
À certains égards, mon choix est résolument « sentimental » : lorsque j’ai eu besoin d’illustrer, par exemple, l’utilisation du béton en sculpture, parmi tous les artistes qui ont utilisé ce matériau, j’ai choisi ceux que j’aimais.
Car ce choix n’est pas celui de l’historien, préoccupé par une évolution ou une logique découlant de l’examen chronologique des faits, il est celui d’un artiste pour qui l’immense héritage artistique historique mondial sert non seulement de base d’étude, mais avant tout de stimulant à l’action.
