repentir(s)

Repentir(s)
Toutes les critiques réunies en une page

 

 

6 octobre 2014
ARIANE GÉLINAS
Le Voyage insolite
(émission du 6 octobre)
Richard Ste-Marie, Repentir(s), Alire, 2014, 336 p.

Repentir(s) est le troisième roman de Richard Ste-Marie à paraître aux éditions Alire (et le premier en grand format). Je précise toutefois que le second de ses livres publié chez Alire était une réécriture de son tout premier ouvrage, Un ménage rouge, édité dans un premier temps chez Stanké. C’est en outre la troisième fois que j’ai l’occasion de m’intéresser à une publication de Ste-Marie dans le contexte de l'émission, puisqu'il est un auteur que j’apprécie particulièrement (et que j’ai eu l’honneur de côtoyer dans le collectif Crimes à la librairie).

C’est donc avec enthousiasme que je me suis plongée dans Repentir(s), intitulé à l’origine L’esprit des lieux (titre qui ne convenait pas vraiment au roman, d’ailleurs). Nous y retrouvons Francis Pagliaro, sergent-enquêteur présent dans les deux précédents livres de Ste-Marie. Pagliaro est en quelque sorte le « demi-héros » du récit, car environ un chapitre sur deux suit le parcours d'un criminel, lié d’une manière ou d’une autre à l’homicide sur lequel Pagliaro enquête. Il ne s’agit pas de n’importe quel crime : Gaston « Faby » Lessard, propriétaire de la galerie Arts Visuels Actuels, a trouvé la mort sur son lieu de travail, en compagnie du lieutenant de police Frédéric Fortier. Tous deux ont été poignardés à l'aide d'un couteau sculpté, exposé dans la galerie, qui a été étrangement remis en place après usage.

Pagliaro entreprend dès lors de s’initier au milieu des arts visuels, allant de découverte en découverte à propos des activités de Faby Lessard. En parallèle, le criminel, surnommé « le garçon », et son ami Samuel s’intéressent de plus en plus près aux natures mortes. Ce qui finira par avoir de fâcheuses conséquences dans la petite communauté de Lac-Frontière...

Avec Repentir(s), Richard Ste-Marie nous propose encore une fois un polar/roman noir au suspense soutenu, même si les chapitres criminels m’ont paru plus frappants que les autres. Il faut dire que l’auteur dépeint le sordide avec tant de finesse que l’enquête avait des chances de sembler plus falote en comparaison. De plus, nous retrouvons moins les traits de caractère de Pagliaro qui m’avaient tant plu dans L’Inaveu : ses réflexions teintées de philosophie, son amour inconditionnel pour Lisa, qu’il aime toujours autant, mais qui est en retrait dans ce livre...

Là n’est pas l’intérêt principal de Repentir(s), à mon avis, mais plutôt dans l’intégration des connaissances du milieu des arts visuels (que Ste-Marie connaît de l’intérieur, étant lui-même un artiste visuel) qui font de ce récit un polar/roman noir pictural unique en son genre. Roman qui atteint des sommets quand Ste-Marie prend le partie de dépeindre la psyché des criminels. Un auteur à suivre de près !

 

 

7 septembre 2014
NORBERT SPEHNER, collaboration spéciale| La Presse +
DOUBLE MEURTRE DANS LA GALERIE
Repentir(s) | Richard Ste-Marie | Alire, 336 pages | 4 étoiles


Repentir(s) est le troisième polar de Richard Ste-Marie mettant en scène Francis Pagliaro, sergent-détective à la Sûreté du Québec, un flic atypique qui n’a pas de problèmes d’alcool et qui vit avec la même femme depuis 20 ans. Intelligent et persévérant, ce protagoniste des plus sympathiques est un féru de philosophie, un mélomane averti et un amateur d’art. C’est d’ailleurs dans le monde de l’art que va le mener une nouvelle affaire : un double meurtre a été commis dans la galerie Arts Visuels Actuels. On y a retrouvé les corps ensanglantés de Gaston Faby Lessard, le propriétaire des lieux, et de Frédéric Fortier, lieutenant de police à Montréal. Au cours de l’enquête, c’est un Pagliaro pantois qui découvrira les dessous sales du commerce de l’art, toutes les fraudes, magouilles et autres arnaques auxquelles se livrent certains commerçants alors que des sommes colossales sont en jeu. Plus que l’enquête policière, un peu lente (mais réaliste), c’est la description du milieu et les nombreuses réflexions sur les arts qui font de ce « pol’art » une réussite à tous points de vue – et dont le dénouement vous arrachera quelques larmes.

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6 septembre 2014
MICHEL BÉLAIR- collaborateur | Le Devoir | Livres | Polar
Jouer sur tous les tableaux
Repentir(s) Richard Ste-Marie
Alire, Lévis, 2014, 352 pages

On trouve deux cadavres dans une galerie d’art et le sergent détective Francis Pagliaro de la Sûreté du Québec est chargé de l’enquête, puisque l’une des victimes est un policier du SPVM.

Mais l’histoire débute d’abord dans un passé récent planté au milieu d’un petit village rural où l’on voit un jeune garçon qui dessine de façon saisissante.

Sa spécialité : les petits gibiers au moment de l’agonie. On découvrira peu à peu que ce personnage étonnant est en lien direct avec l’assassinat du patron de la galerie Arts visuels Actuels, Gaston « Faby » Lessard, et du lieutenant Frédéric Fortier, tué à ses côtés.

Pendant ce temps, l’enquête de Pagliaro l’amènera à cerner assez rapidement le personnage magouilleur de Faby Lessard « protégé » à la fois par le milieu interlope et probablement par la police. Impliqué jusqu’au cou dans des manoeuvres frauduleuses, Lessard a visiblement provoqué sa propre perte en jouant sur tous les tableaux. Mais qui, parmi tous les candidats possibles, est passé aux actes ? se demande l’enquêteur en réfléchissant devant les oeuvres envoûtantes d’Andrew Garrison exposées à la galerie où il a pris l’habitude de venir faire le point.

Tout au long du récit, les plongées parallèles dans le passé se précisent en rejoignant le présent ; elles dévoilent un personnage attachant mais troublé qui colle de plus en plus à la réalité de l’enquête. Encore plus quand on apprendra avec Pagliaro que la technique utilisée par Andrew Garrison — et qui permet de modifier certains éléments déjà peints sur la toile — porte le nom de « repentir »…

Art et polar

Cette histoire à rebondissements multiples permet à Richard Ste-Marie de retrouver son « ancien monde » ; il a été prof d’arts visuels pendant une trentaine d’années et il a exposé ses propres oeuvres à plusieurs reprises, en plus d’agir souvent comme expert auprès de la Cour — on peut d’ailleurs se faire une idée sur cette « autre vie » en visitant son site Internet.

Ici, ses connaissances pratiques enrichissent le récit de façon considérable lorsque Pagliaro remonte patiemment la filière et trouve dans le dossier de Lessard des plaintes concernant des estampes « douteuses », ou encore lorsqu’il tombe presque par hasard sur un atelier de fabrication de faux. Il est possible que certains voient là une tendance didactique, mais un auteur « sonne » encore plus juste lorsqu’il parle de ce qu’il connaît bien.

L’enquête est fort bien menée, sur plusieurs plans à la fois, et les personnages sont bien campés, sans exception. Probablement parce que Ste-Marie se retrouve dans ses meubles, son écriture semble ici beaucoup plus achevée, moins convenue, plus mûre, plus assumée que dans ses deux premiers romans.

C’est tout cela qui fait de Repentir(s) son livre le plus réussi jusqu’ici.

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31 août 2014
DANIEL MAROIS - Blogueur et chroniqueur polars | Huffington Post Québec
Repentir(s) de Richard Ste-Marie et Trois de Sarah Lotz: polars inachevés

Bien que pour des raisons assez différentes, aucun de ces deux polars n'aura su me satisfaire pleinement. J'aurais voulu pour Repentir(s) de Richard Ste-Marie un petit peu plus de suspense et pour Trois de Sarah Lotz une narration moins monolithique.

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Repentir(s) de Richard Ste-Marie

Richard Ste-Marie nous présente la troisième enquête du sergent-détective de la Sûreté du Québec, Francis Pagliaro dans Repentir(s) : un personnage assez loin des clichés du genre, philosophe à ses heures, opiniâtre, aussi modeste que doux.

Deux meurtres sont commis dans une galerie d'art de Montréal : celui du propriétaire de la galerie ainsi qu'un agent du service de police de la ville de Montréal. Les enquêteurs mettent lentement les indices à jour et découvrent peu à peu que le galeriste trempait dans le blanchiment et la contrefaçon.

Le roman de l'auteur québécois remonte doucement le fil des événements et expose de façon réaliste les difficultés d'une enquête policière et ce que vivent les forces de l'ordre au quotidien (beaucoup de piétinement et plus de questions, que de réponses). Il n'y a ni scènes spectaculaires ni explosion de violence. Ici, tout est contenu, circonscrit à la scène des meurtres, la galerie d'art, un lieu où Pagliaro retourne sans cesse, pour se replonger dans l'exposition et tenter de comprendre les motivations du criminel.

Le polar se déroule en deux temps. À l'enquête, viennent s'intercaler de nombreux retours en arrière, dans le passé de deux gamins. On devine donc rapidement que ces adolescents vont refaire surface et se retrouver au centre du crime. Au niveau structurel, les lecteurs connaissent les acteurs du crime bien avant que le sergent-détective ne commence à jeter un œil vers eux. Ces nombreux retours dans le passé, s'ils viennent donner un motif à l'assassin, restreignent du même élan les possibilités de créer du suspense. Les hésitations et tergiversations du sergent-détective finissent par lasser un peu, puisque le lecteur en sait bien plus que lui. Pagliaro parvient bien entendu à se rendre au même niveau de connaissance, mais si le chemin qui mène au coupable est intéressant, il est aussi sans surprise.

Repentir(s), de Richard Ste-Marie, se lit agréablement parce qu'il est ciselé avec justesse, mais je trouve qu'à l'imaginaire de ce drame œdipien, il manque quelque chose comme un sphinx.

 

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30 août 2014
VALÉRIE LESSARD| Le Droit
Esthètes face à l'agonie

Francis Pagliaro n'est certes pas un enquêteur comme les autres. Philosophe à ses heures, toujours amoureux de sa complice de longue date Lisa, amateur de musique classique et de littérature, le héros de Richard Ste-Marie devient de plus en plus attachant, d'une affaire à l'autre. Dans Repentir(s), le voilà qui plonge avec toute la curiosité qu'on lui (re)connaît dans le milieu des arts visuels, des galeristes et des faux.

Gaston «Faby» Lessard est retrouvé mort dans sa galerie. À ses côtés, l'improbable cadavre d'un policier, Frédéric Fortier. Et sur les murs, les tableaux aussi intrigants qu'envoûtants d'un peintre recherché, Andrew Garrison.

Au gré des indices trouvés et des interrogatoires menés, Pagliaro et son collègue Martin lèveront le voile sur les coulisses les plus sombres du monde des arts visuels : celles des faussaires, des ventes aux enchères truquées, des arnaques et autres fraudes possibles.

Si l'auteur parvient si bien à rendre de façon fascinante et accessible autant de notions autrement arides, c'est non seulement parce qu'il peut compter sur les questions posées par son sergent-détective - néophyte en la matière - à d'éventuels suspects et spécialistes du sujet, mais aussi sur son propre parcours dans le milieu. En plus d'avoir enseigné à l'École des arts visuels de l'Université Laval pendant quelque 30 ans, Richard Ste-Marie est lui-même artiste et a déjà témoigné en tant qu'expert en Cour supérieur et en Chambre criminelle dans des causes de litiges de droits d'auteurs et de faux tableaux.

De fil en aiguille, Richard Ste-Marie trame aussi en parallèle le destin d'un garçon grandissant entre les jupes de sa mère et les petits animaux qu'il attrape au collet, tenaillé par cet irrésistible besoin de dessiner et peindre non pas la mort autant que l'agonie, ce dernier souffle qui le trouble tant. Au point de se lier d'une amitié ambiguë avec le ténébreux Samuel, d'un an son aîné.

Le lecteur le «ressentira» rapidement : ce gamin au talent aussi prometteur que dérangeant ne peut qu'être celui qui, devenu homme, signe Andrew Garrison les oeuvres exposées à la galerie où le double meurtre est survenu.

Certes, on ne s'étonne pas que, pour les besoins de son polar, l'auteur ait choisi d'explorer les pulsions les plus tordues de l'artiste inévitablement torturé, en quête d'un exutoire à ses tourments les plus intimes. On ne peut toutefois s'empêcher de regretter ces retours en arrière plutôt convenus dans une enfance empreinte d'une violence sans contredit désolante, mais au final peu originale, voire presque cliché pour le genre (si ce n'est pour la signification bien particulière que Richard Ste-Marie donnera à la notion de copycat).

Malgré ces bémols, Repentir(s) s'avère le roman le plus abouti de Richard Ste-Marie dans cette série mettant en vedette Francis Pagliaro et comptant aussi L'Inaveu et Ménage rouge.

Les dernières pages laissent entrevoir un nouveau visage du policier qui se développera sûrement dans d'autres titres. Du moins, l'espère-t-on.

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Repentir(s), Richard Ste-Marie, Alire, 340 pages

*** 1/2

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30 août 2014
ÉLIANE VINCENT | Le placoteux
Une nouvelle enquête de Francis Pagliaro


L'auteur de Québec Richard Ste-Marie publie une troisième enquête du sergent-détective Francis Pagliaro. Repentirs a paru en librairie le 27 août et Le Placoteux a interviewé le romancier.

Richard Ste-Marie est né à Québec en 1945. Il a enseigné durant 30 ans à l'École des arts visuels de l'Université Laval, tout en poursuivant une carrière en arts visuels. Ses œuvres ont été présentées dans plus de 70 expositions.

Au début de sa carrière, il a aussi connu une longue période musicale qui a culminé avec la formation de la Fanfafonie, une troupe d'animateurs-musiciens dans laquelle il joue du saxophone. En 1984, la Fanfafonie a été à l'origine d'un projet pour les fêtes du 350e anniversaire de la ville de Québec, projet qui a évolué pour devenir le Cirque du Soleil.

Le policier

On a fait la connaissance de Francis Pagliaro dans Le ménage rouge, paru pour la première fois en 2008 chez Stanké et réédité en 2013 chez Alire. Cette version entièrement remaniée a transformé en polar ce qui était à l'origine un suspense psychologique. On retrouve Pagliaro dans L'inaveu, paru en 2013. Le policier y confirme sa personnalité atypique : c'est un gentleman, un homme de raison qui étudie la philosophie et qui est profondément amoureux de sa femme, laquelle le lui rend bien. Chez lui, pas d'excès d'alcool ou de drogue, pas de violence, pas de problèmes avec ses supérieurs hiérarchiques.

L'auteur en parle avec affection : « C'est par son intelligence et sa sensibilité, pour ne pas dire sa compassion, que Pagliaro amène les criminels à lui faire des aveux, sans promesse ni menace. » Doit-on y voir un peu de la personnalité de son créateur? « C'est difficile de ne pas se projeter dans ses personnages, bons ou méchants. Mon policier, je l'aime beaucoup. Il a mes goûts; l'empathie et l'écoute qu'il manifeste sont peut-être aussi un reflet de ma personnalité. Il faut dire que j'ai longtemps rêvé d'être psychiatre, peut-être que je réalise un peu ce rêve avec Pagliaro. »

L'intrigue

Dans Repentirs, Richard Ste-Marie met en scène son propre univers d'artiste multidisciplinaire. Les victimes sont un galeriste véreux de Montréal, Fabien « Gaby » Lessard, et Frédéric Fortier, lieutenant du SPVM, retrouvés assassinés dans la galerie Arts Visuels Actuels. L'arme du crime est une dague somptueuse, œuvre d'une joaillière tout à fait réelle, l'artiste Chantal Gilbert, de Québec.

On fait appel à la Sûreté du Québec et à Francis Pagliaro pour mener une enquête qui révélera de bien sombres aspects du milieu des arts visuels. Entre fraude et contrefaçon, celle-ci mènera l'enquêteur de Montréal à Québec, pour remonter finalement jusqu'à Lac-Frontière, petite municipalité située à 75 km au sud de Montmagny.

Ste-Marie comptait utiliser dans son roman l'anecdote d'un bébé mort gelé, qui s'est réellement produite dans un village voisin. « J'ai trouvé le nom de Lac-Frontière en consultant une carte de la région. Je n'y suis jamais allé, mais le nom est très évocateur et s'inscrit magnifiquement dans la trame narrative de Repentirs », souligne l'auteur. L'anecdote est restée, mais le cadre a changé, prérogative d'auteur.

Au fil du récit, le roman mène le lecteur vers les secrets douloureux de l'âme humaine. De nombreux flashbacks nous montrent un petit garçon qui trouve dans l'art un exutoire à son univers familial trop dur. Richard Ste-Marie a voulu montrer la douleur et la folie qui enferment peu à peu l'individu dans une espèce de prison intérieure : « J'ai donné au garçon de nombreuses caractéristiques qui auraient pu faire de lui un tueur en série », affirme-t-il. Et pourtant...

Entre des analyses très fines de la démarche artistique et l'enquête policière, Richard Ste-Marie sonde la personnalité de ses personnages avec beaucoup de précision. « J'accorde un soin immense à la réécriture de mes textes, pour que le ton soit toujours juste, explique l'auteur. Quand j'ai fini, je repasse chaque personnage, pour m'assurer qu'ils soient fidèles à leur personnalité, jusque dans le niveau de langue utilisé pour chacun. » Selon lui, il en va de la cohérence du roman et de l'intérêt du lecteur.

À la lueur chaude de sa lampe banquier à l'abat-jour jaune, Francis Pagliaro remontera la trame de l'histoire jusqu'au dénouement de l'enquête, surprenant mais logique. La fin du roman résoudra aussi une intrigue connexe qui pourrait bien faire perler une larme à l'œil du lecteur, mais chut, il faut lire...

 

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27août 2014
MORGANE MARVIER, Librairie Monet
LE LIBRAIRE
Richard Ste-Marie : Flic, art et philosophie

Richard Ste-Marie est arrivé il y a peu dans le milieu du polar québécois, mais il y tient déjà sa place. On le retrouve avec Repentir(s), troisième aventure de son héros, Francis Pagliaro. Cet enquêteur atypique de la Sûreté du Québec tire beaucoup de la vie de son auteur : « Je travaille en culture depuis plus de cinquante ans et il m’est apparu évident qu’il y avait de la place pour cette culture dans la trame de romans policiers et qu’elle serait incarnée par le policier lui-même. Pagliaro est un homme qui croit en la puissance persuasive de la parole. » L’auteur a donc créé un flic philosophe plus adepte de dialogue que de violence.

Cet aspect est encore plus présent dans cette enquête sur l’assassinat d’un galeriste où le policier découvrira les méfaits du monde de l’art. Surprenant pour le lecteur, mais l’auteur le dit : « Dans le milieu, j’ai pu recenser plusieurs comportements délictueux et criminels, et comme dit un personnage du roman, “il n’y a rien de mieux pour un faussaire que de travailler avec du vrai”. » Il a utilisé ce savoir pour construire une intrigue autour de contrefacteurs d’art et de trafic de tableaux.

Repentir(s) est peut-être son roman le plus noir, surtout à cause d’un personnage particulier. « J’ai doté progressivement le garçon des stigmates de celui qui peut devenir un criminel, mais le plus difficile n’est pas d’inventer des actes de violence, ce n’est là qu’une question d’imagination, mais plutôt d’aboutir à une construction de personnage vraisemblable », explique-t-il. Une tâche réussie, le lecteur se demandant jusqu’où cette férocité pourra bien aller. Ce récit dans le passé rattrape l’enquête de Pagliaro qui y découvrira les mobiles des crimes. En outre, pour Richard Ste-Marie, « ce va-et-vient temporel est aussi une manière de mettre en lumière certains aspects de la démarche créatrice. J’aime que ceci raconte aussi cela ».

Il s’agit pour l’auteur d’un moyen, devenu aussi une technique artistique, d’écrire sur le repentir, ce sentiment humain qui est selon lui « le regret avec promesse de réparation ». Vaste sujet pour ses personnages, mais qui promet une lecture passionnante!

 

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25 Août 2014
RICHARD MIGNEAULT / Polar, noir et blanc
"Repentir(s)" de Richard Ste-Marie

Richard Ste-Marie est un auteur qui prend une place de plus en plus importante dans le paysage du polar québécois. Son personnage de flic philosophe, Francis Pagliaro, ce policier honnête, sans histoire, amoureux de sa femme et cultivé comme un professeur de CEGEP, charme de plus en plus, les nombreux lecteurs qui ont la chance de le rencontrer, au cours de ses enquêtes.

J’avais beaucoup aimé « L’Inaveu » et je me suis régalé en lisant les deux versions de « Un ménage rouge » ! Cet exercice, pas du tout désagréable m’avait permis de sentir l’évolution du style et de l’écriture de l’auteur. « Repentir(s) », son dernier roman qui sort cette semaine chez votre libraire préféré, confirme le tout : Richard Ste-Marie est maintenant un incontournable de la littérature québécoise.

Dans « Repentir(s) », l’auteur nous fait découvrir le milieu des arts et des galeristes. Au fil de l’enquête, en même temps que Pagliaro, le lecteur arpente les méandres de ce milieu un peu hermétique mais tellement fascinant. Et ce, sous le thème des « Repentir(s) » ! Au pluriel pour souligner ces moments de vie que l’on veut effacer, que l’on cache sous une nouvelle couche d’images ou de souvenirs, que l’on voudrait bien masquer mais qui ressortent au simple regard d’un œil averti.

Tout cela commence par un double meurtre à la galerie Arts Visuels Actuels. Le galeriste Gaston « Faby » Lessard (aucun lien avec le Victor de Martin Michaud !) et le lieutenant de police, Frédéric Fortier, sont retrouvés assassinés. Aucun lien ne semble rattacher les deux victimes. Dans la galerie, une série de tableaux sont accrochés. Le peintre, Andrew Garisson avait donné à son exposition le titre de Repentir.

L’enquête est confiée à Pagliaro ! Le meurtre d’un policier est toujours une affaire délicate et le sens de la justice de l’enquêteur est une garantie que l’affaire sera bien menée.

Tout en douceur et en nuances, le Spinoza des enquêteurs se rend compte que le marchand d’art possédait un arsenal de méthodes assez peu orthodoxes et qu’il laissait sur son passage beaucoup de frustrations, de haine et d’ennemis potentiels : magouilles de toutes sortes, ventes virtuelles pour faire monter les prix, production de faux et de copies, etc. En bref, son entourage possédait toutes les raisons pour le détester et pour le tuer … avant que la peinture ne sèche ! Et ce qui complique les choses, c’est que contrairement au galeriste véreux, l’enquête ne révèle aucun élément pouvant justifier le meurtre du policier Fortier !

La solution se trouve peut-être à l’hiver 1966 où un jeune garçon découvre, à son lever, une horreur qui le hantera toute sa vie ou quelque part, dans les années 70, où il fait le dur apprentissage de l’adolescence ? Quel lien y-a-t-il avec ces histoires de jeunesse et les meurtres actuels ? Richard Ste-Marie joue brillamment avec toutes les nuances de sa peinture pour nous faire un diptyque tout en émotions, des événements qui relieront les deux époques.

Comme à son habitude, le philosophe-enquêteur base son travail sur la réflexion. Imaginez la scène : Pagliaro, au centre de la galerie, scrutant les toiles de peintre et essayant de percer les mystères qui s’y cachent, faisant parler les objets, les harmonies de couleur, essayant de retrouver le fil de la possible histoire que voulait, peut-être raconter l’artiste. Absolument passionnant ! Et très instructif ! Cette scène revient quelques fois et on l’attend, on la veut et on l’apprécie ! Petite note en passant, j’ai bien aimé la page couverture qui nous donne une idée assez juste de cette scène et qui dégage l’atmosphère du roman de façon très prégnante.

Richard Ste-Marie réussit ici un excellent roman où l’auteur fait appel à l’intelligence du lecteur. Le récit est fluide, l’enquête bien ficelée, Pagliaro est égal à lui-même (presque parfait !) autant comme mari, comme homme et comme policier. Même comme complice et patron, on sent encore toute l’humanité du bonhomme : sa relation avec son adjoint, Martin Lortie en est la preuve.

Comme à son habitude, ce troisième roman de l’auteur est superbement écrit : du style, de l’humour bien dosé, des phrases bien tournées et tout cela, enrichit l’intrigue pour le plus grand plaisir du lecteur. De plus, compte tenu de l’histoire et des personnages qui l’habitent, Richard Ste-Marie réussit le difficile pari de jouer avec différents niveaux de langage. L’auteur manipule la langue d’un ado d’un petit village de campagne aussi bien que celle d’un critique d’art ou d’un policier philosophe avec justesse et sans ostentation. Cet équilibre donne aux personnages toute la crédibilité et la vraisemblance nécessaires à l’intérêt soutenu de lecture. On y croit et ça marche !

Si vous ne connaissez pas encore Richard Ste-Marie, il est grand temps de remédier à cette lacune. Parce que chacune des enquêtes est complète et autonome, vous pouvez commencer par n’importe lequel de ses trois premiers romans. Et ensuite, faire comme la majorité de ses lecteurs, attendez impatiemment, le prochain !

Voici quelques extraits que j’ai plus particulièrement appréciés :

« Il y a toujours dans les chambres des joueurs ou dans les salles de réunion une espèce de climat discernable provoqué par la cohésion ou la solidarité des participants. Il existe alors une harmonie gestuelle perceptible, équivalente à l’unisson à la musique, une rondeur des gesticulations, une fluidité dans les déplacements des personnes et un alignement des sourires qui en dit long. »

« À l’instar de l’auteur, Francis Pagliaro croyait que si les gens, en parlant d’eux-mêmes ou de leur vie, s’entourent de structures qu’ils finissent par croire, les lieux qu’ils habitent disent tout d’eux. »

« Les maisons ne mentent jamais. »

Et ici, juste pour ne pas dévoiler des éléments importants de l’histoire, je vous fais une citation en blanc, sans texte, juste le numéro des pages. Parce que j’ai tellement aimé ces pages que j’ai relues trois fois, juste pour le plaisir de les relire … !

« Cherche avec ce que tu as en main. »

« … page 273 … page 274 … page 275 … page 276 »

À vous de les découvrir !

Et une dernière, que j’ai appréciée de façon très personnelle !!!

« C’est pourquoi les meilleures critiques – elles sont rares, je peux vous le dire – sont celles qui nous apprennent quelque chose à propos de notre propre travail. Quelque chose qui est présent dans l’œuvre, mais que nous n’avons pas vu, qui nous est occulté, par nous-mêmes. C’est l’ordre caché de l’art. »

Et les dernières pages de « Repentir(s) » vous feront frissonner de plaisir et influenceront sûrement les comportements de Francis Pagliaro dans ces prochaines enquêtes. Et je pense que vous l’aimerez encore plus !! Je n’en dis pas plus. Même que j’en ai déjà trop dit …

Bonne lecture !
Repentir(s)
Richard Ste-Marie
Alire 2014
336 pages

 

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